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Alliance Nationale Patriotique
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A la mémoire de Rachid Mimouni

A la mémoire de Rachid Mimouni

A la mémoire de Rachid Mimouni
A la mémoire de Rachid Mimouni

Source : Rachid Mimouni

4 octobre 2010 ·

Biographie

« Rachid Mimouni, le célèbre écrivain algérien, lauréat de plusieurs prix littéraires. L’auteur de « L’honneur de la tribu » a marqué la littérature algérienne depuis les années quatre-vingt par ses nombreux ouvrages qui avait la mérite, que doit remplir toute œuvre littéraire digne de ce nom, de nous déranger, de nous sortir de notre confort, de nous entraîner dans des sentiers non battus et, bien sûr, de nous donner le plaisir, même grinçant, même brutal, de lire, de le lire. »

Rachid Mimouni est né le 20 novembre 1945 à Boudouaou (alma), à 30 kilomètres à l’est d’Alger, d’une famille de paysans pauvres. Il fréquente l'école primaire du village avant de continuer ses études secondaires à Rouiba. Il poursuit ses études supérieures à Alger (licence en sciences en 1968).
Assistant de recherche à l'Institut National pour la Productivité et le Développement Industriel, il obtient une bourse d’un an à l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Montréal au Canada où il termine sa post-graduation avant de revenir enseigner dans le même établissement à partir de 1976. Il enseigne également, à partir des années 90, à l'Ecole Supérieur du Commerce.

Membre du Conseil National de la Culture, Président de la Fondation Kateb Yacine, Président de l’Avance sur recettes. Il a également occupé le poste de vice-président d’Amnesty International.


Le 12 février 1995, Rachid Mimouni nous quittait. Sa mort surprit même ses proches. Rachid Mimouni a été admis en janvier 1995 à l’hôpital Cochin, à Paris.
Il fallut toute la persuasion de sa famille pour le décider à se soigner. Son état de santé n’était guère brillant à son arrivée à Paris. Pour prévenir toute menace intégriste, son hospitalisation fut tenue secrète.

Grâce à des soins intensifs, on le croyait tirer d’affaire. Un soir de février, il attendit que la poignée d’amis venue lui rendre visite quittât la chambre et alors que rien ne le laissait prévoir, il sombra dans un coma irréversible.
Rachid Mimouni mourut loin des siens, loin de l’Algérie. Pour ses amis qui ignoraient jusqu’à sa maladie, le choc fut terrible. Leur tristesse céda très vite la place à la colère.
« Il est mort de cette façon — en fugitif — dont meurent aujourd’hui quelques-uns des meilleurs Algériens... », écrivait un de ses amis dans la presse.
Le chanteur Matoub Lounès exprima quant à lui sa stupeur et s’interrogeait sur cette « tragique fatalité qui colle aux talons de 1’Algérie. »

Rachid Mimouni est mort de maladie. Il n’a pas été exécuté par les intégristes. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir été menacé. Sans protection aucune dans son pays, il constituait une proie idéale pour les tueurs.

Dès 1992, sa condamnation à mort était placardée dans la mosquée à quelques centaines de mètres à peine de chez lui. Malgré l’insistance de son entourage, il se refusa à changer de domicile. Il gardera les mêmes habitudes.
L’écrivain Tahar Djaout, son ami de longue date, tomba à son tour sous les balles des intégristes. Rachid Mimouni ressentit durement cette mort. Il lui dédiera son dernier livre, « La Malédiction », en ses termes : « A la mémoire de mon ami, l’écrivain Tahar Djaout, assassiné par un marchand de bonbons sur l’ordre d’un ancien tôlier ».

Le danger se faisait chaque jour plus proche. L’insécurité régnait partout. Nul n’était à l’abri. Rachid refusa de céder à l’affolement. Imperturbable, il poursuivra son travail.
C’est dans ce contexte que survint aussi la mort de son père, emporté par la maladie. Rachid était très attaché à son « vieux paysan de père ». Sa mort l’ébranla au plus profond de lui-même.

Dans « Une Paix à vivre », il décrit ainsi le paysan fier d’accompagner son fils à l’Ecole Normale. Au premier regard, on reconnaissait le paysan endimanché descendu dans la ville. Pour s’en convaincre il n’était que de voir l’énorme turban qui lui grossissait la tête ou le beau burnous blanc qui gardait encore les plis de son rangement. L’Algérie était à feu et à sang. Les menaces se faisaient chaque jour plus précises, plus imminentes. Le danger guettait maintenant ses enfants. Rachid se sentit coupable d’exposer ainsi la vie des siens. Il lui fallait partir et rapidement. La décision n’était pas facile à prendre. Rachid craignait l’exil par-dessus tout.Il pressentait quelque part que l’exil signifierait pour lui un non retour définitif. Il répétait souvent « Si je quitte l’Algérie, je perds mes sources de vie, je ne pourrai plus écrire ».
Il se résigna. Il quittera l’Algérie le 27 décembre 1993 au petit matin avec sa femme et ses enfants. Il n’y reviendra que pour y être enterré à côté de son père.Ecrivain s’il en fut, Rachid Mimouni se lança très tôt dans l’écriture. A peine ses études en chimie et en économie terminées, sa seule préoccupation était d’écrire et surtout de se faire publier. Ce qui n’était pas une mince affaire en Algérie dans les années 1970.
Rien ne le découragera. Ni la censure qui n’a pas le courage de s’avouer et qui « estropie, édulcore le plus bénin des textes, une hérésie utilitariste qui veut privilégier l’ouvrage scientifique et technique en repoussant d’un revers méprisant ce qu’on commence à qualifier de littérature. »

Ni un régime arrogant et ne reculant devant rien pour faire taire les opposants. - Kateb Yacine fut très vite interdit de parole publique -.Ni une pratique éditoriale et les magouilles qui, écrit Rachid Mimouni « laissent dormir les manuscrits des années durant en vue de faire réimprimer des livres dont les stocks d’invendus encombrent les rayons des dépôts. » Son premier roman, « Le Printemps n’en sera que plus beau » ne fut publié qu’après des années d’attentes et de tracasseries bureaucratiques non sans avoir été amputé de plusieurs passages jugés subversifs. Rachid ne se découragera pas pour autant. Son obstination à écrire, à se faire éditer à tout prix n’avait d’égal que son courage.
Face à un Pouvoir qui ne supporte aucune remise en cause, Rachid Mimouni, sans aucun appui, sans moyens, isolé du monde extérieur, fera front, seul. « Si hier, avec courage et talent, nos aînés se sont levés pour dénoncer l’oppression coloniale, leurs épigones ne doivent pas se tromper d’époque », écrit-il.

Et Mimouni de s’en prendre à ces « Plébéiens thaumaturges » qui, insensibles au phénomène culturel, ont érigé au rang de panacée la vertu de l’action, ce qui leur fait assimiler la gratuité de l’oeuvre à l’inutilité de l’artiste... Rachid en était convaincu. Il nous fallait réagir, sortir des discours d’autosatisfaction d’un régime tourné vers le passé, sans projet de société crédible et qui se complaît dans un état de « confortable sclérosé » Rachid voulait enrayer à tout prix cette « lente atrophie de la réflexion critique » qui a mené les débats à une consternante pauvreté.Inlassablement, il plaidera pour une autre littérature, une littérature qui « se donne une société à changer, une littérature qui mette le doigt sur la plaie ». De ce fait elle ne peut qu’être « engagée » et s’inscrire pleinement dans la réalité algérienne. Mais, ajoute Rachid, la littérature est « vertu d’exigence ». Et de définir le rôle de l’écrivain, de l’intellectuel algérien. « Je crois à l’écrivain comme pure conscience, probité intégrale, qui propose au miroir de son art une société à assumer ou à changer, qui interpelle son lecteur au nom des plus fondamentales exigences de l’humain: la liberté, la justice, l’amour... Je crois à l’intellectuel comme éveilleur de conscience, comme dépositaire des impératifs humains, comme guetteurs vigilants, prêts à dénoncer les dangers qui menacent la société ». En 1983, Rachid Mimouni publie « Une Paix à vivre » après trois ans d’attente dans les tiroirs de l’éditeur. Il y décrit la triste réalité de l’Algérie de l’après-guerre. Une Algérie plongée dans une profonde léthargie que mène la mort-surprise du président Boumediene ne viendra pas rompre. Le régime reste toujours obnubilé par les commémorations, la glorification des martyrs de la Révolution, La Célébration des « succès » de la planification socialiste. Rachid tentera de susciter une prise de conscience : « Il est temps de retrouver notre lucidité. L’oppression, l’injustice, l’abus du pouvoir sont inacceptables d’où qu’ils viennent, et il ne faut pas se contenter de dénoncer ceux d’hier. ». En vain.
Les intellectuels algériens continueront malgré ses appels à se complaire qui dans une collaboration avec le régime qui dans un silence complice.« On est en droit de se poser des questions ! s’écrie Rachid. Quel a été leur rôle au cours de ces deux décennies? Quels sont les grands débats qu’ils ont initiés, les projets, les idées qu’ils ont générés? Qui a dit ce qu’il pensait en son âme et conscience de la revendication berbère ?... »
Désabusé, Rachid parlera de ces « intellectuels caméléons » méprisés par le pouvoir qui cependant a besoin d’eux pour propager son discours et qui leur demande « non seulement de chanter ses louanges mais aussi de brûler ce qu’ils adoraient hier et inversement ».
Seuls Kateb Yacine étouffé et persécuté par le pouvoir, Mouloud Mammeri et Mohamed Dib trouveront grâce à ses yeux.Il rencontra Kateb Yacine pour la première fois quelques années avant sa mort. Ce fut, aux dires de Rachid, un grand moment. Ils parlèrent longuement de « Nedjma », livre qui l’a profondément influencé.En 1982, Rachid Mimouni termine « Le Fleuve détourné ». Il essaiera en vain de le faire publier en Algérie. La bureaucratie, la censure le décourageront. De guerre lasse, il se décida à envoyer son manuscrit à Paris, à l’adresse d’un éditeur qu’il avait découpée dans une revue.
La parution du roman fit l’effet d’une bombe. Un livre révélait pour la première fois au monde l’existence d’une Algérie qui souffre en silence, écrasée par un pouvoir tout-puissant. Une Algérie bien différente de celle décrite dans les discours officiels.Jacques Cellard lui consacra un article retentissant dans Le Monde. Il y comparait « Le Fleuve détourné » au « Procès » de Kafka et à « L’Etranger » de Camus. « Ce ne sont pas de minces personnages, précisa-t-il. Rachid Mimouni en porte le poids sans faiblir »
Le coup était rude pour le régime, et cela d’autant plus qu’il venait non pas de l’un de ces vieux opposants connus et tolérés mais d’un jeune inconnu formé dans les écoles de l’Algérie Nouvelle. La jeunesse était censée être entièrement acquise aux « valeurs de novembre et aux constantes nationales ».

Trop tard pour réagir. Rachid Mimouni devint du jour au lendemain mondialement connu. Il était hors d’atteinte. Mais les tracasseries, les intimidations se firent plus fréquentes. Elles donnèrent lieu parfois à des situations fort cocasses. C’est ainsi que Rachid fut convoqué un jour par la police du Port d’Alger pour s’expliquer sur un colis contenant des livres et qui lui était adressé. Prudent, il demanda à son ami voisin de l’accompagner. Une fois arrivé au port, un policier lui demanda ce que signifier ce colis. Rachid, calmement, lui expliqua que ces livres édités en France lui étaient envoyés par l’éditeur parce qu’il en était l’auteur. Le policier entra dans une violente colère : « Et toi pourquoi tu n’écris pas en Algérie comme tout le monde? » Rachid regarda son ami et éclata d’un fou rire. Surpris par cette réaction, le policier les laissa repartir avec le précieux colis. Rien ne viendra entamer la détermination de Rachid. Ni les refus « d’autorisation de sortie du territoire national », ni les pressions exercées par une police politique omniprésente.Impassible, il continua à dénoncer les excès d’un pouvoir, toujours aussi répressif. Son pessimisme naturel et sa profonde inquiétude se cristalliseront dans « Tombéza » publié en 1984. Un désespoir insupportable se dégage de livre noir. « Mimouni pane de l’horreur sur un ton paisible sans remous, ni éclat », écrira un critique.
Mais derrière ce ton calme, éclate l’urgence d’un appel. Rachid, en « guetteur vigilant » tirait déjà la sonnette d’alarme.
« Je suis bien conscient que de la lecture de « Tombéza » émane d’un sombre désespoir. Le style veut traduire la véhémence d’un appel solitaire devant le tragique d’une société qui vit la déliquescence de ses valeurs et de ses institutions. Faute d’avoir été abordées avec le courage et la lucidité nécessaires, les contradictions de notre société n’ont fait que s’exacerber. Nous risquons ainsi de déboucher sur le drame. » Nous étions en 1985 !Les événements d’octobre 1988 soulevèrent un immense espoir dans le pays. Une relative démocratisation de la vie politique vit le jour. La pression se relâcha. Pour Rachid, il y avait comme une accalmie. C’est durant ces années qu’il rédigea « Une peine à vivre ». A côté de l’inévitable thème de la mort on voyait poindre le thème de l’amour...
Mais le répit fut de courte durée. « Un terrible monstre venait d’émerger des abysses... il allait tout dévaster. » . Une barbarie sans nom déferlait sur 1’Algérie.« Alors cet homme si pacifique et si doux s’est déchaîné », écrit Jean Daniel dans Le Nouvel Observateur. « Il a fait croisade, il s’est répandu partout pour alerter, mobiliser, combattre ». Pour Rachid, une fois encore, il était urgent d’intervenir dans le débat politique. Pour « Essayer de dire peut-être de démontrer que l’intégrisme est le plus grand danger qui menace l’Algérie » . On sait aujourd’hui, dix ans après sa déclaration combien il avait raison. La barbarie, elle, est toujours là, plus que jamais.« Le génie de Mimouni, explique un journaliste algérien réside en cela, qu’aux pires des situations, des pressions que subit le citoyen, jamais ne cède l’artiste, un artiste doté d’une force d’observation, d’une lucidité à telle enseigne qu’en suivant son regard on se croit perché sur les épaules d’un Titan ». Mais la détermination dont il fit preuve dams sa lutte solitaire contre le régime puis contre un monstre : l’intégrisme ne saurait masquer une autre dimension de sa personnalité : une profonde humanité. Ses proches connaissaient et appréciaient sa retenue, son sens de la mesure dans les mots, dans les gestes. Sa démarche lourde, son air bourru cachaient mal une sensibilité à fleur de peau et une pudeur de tous les instants.André Brincourt a bien traduit ce double aspect de la personnalité de Rachid Mimouni.
« Il y avait chez lui d’une part la violence de ses écrits, l’urgence de sa révolte contre ce qu’il a si véhémentement nommé : la barbarie et d’autre part la douceur de sa voix dans la vie quotidienne, presque sa timidité, ou faut-il dire mieux : sa fragilité dans ses rapports humains fraternels ».Rachid Mimouni est né dans une famille de paysans près de Boudouaou, un gros bourg connu pour son marché hebdomadaire. Les paysans de la Mitidja et des montagnes environnantes s’y donnaient rendez-vous.
Il grandit entouré de ses trois soeurs, d’un père chaleureux et d’une mère trop distante selon lui. Très tôt, il est affecté de douleurs aux articulations. Sa santé restera longtemps délicate. Rejoindre chaque jour l’école communale, fort éloignée de la maison, était pour lui un véritable calvaire.
« Rachid était un enfant fragile, raconte sa mère. Il éprouvait beaucoup de difficulté à courir. Pendant que ses camarades jouaient au ballon, lui, adossé à un mur, préférait lire ».
Il put avoir une scolarité presque normale grâce à son instituteur. Ce dernier était séduit par cet enfant sage et appliqué. Il l’accompagnait régulièrement chez le médecin qui s’efforçait d’atténuer son mal.
Son enfance fut donc loin d’être idyllique. « J’ai frôlé l’autisme », confia-t-il. Il gardera une tendresse toute particulière à un enfant autiste de son voisinage. L’enfant l’appelait Moumouni ! Ce qui remplissait Rachid de joie.

Elève brillant, Rachid fut facilement admis au collège. Mais son adolescence fut tout autant laborieuse. Unique garçon, il lui fallut travailler très tôt pour aider son père à subvenir aux besoins de la famille.
Malgré ses problèmes de santé, Rachid trouva à s’employer très vite dans les immenses fermes coloniales entourant Alma (devenue Boudouaou). Les exploitations étaient surtout spécialisées dans la culture du tabac.Ce travail, saisonnier, pénible le marquera profondément et laissera des traces dans son oeuvre, notamment dans « Une peine à vivre » où il raconte son expérience.« Durant plusieurs semaines, j’eus à disposer feuille après feuille sur la saignée du bras. Non, ce n’était pas un travail de forçat. Mais le rugueux parenchyme enduisait peu à peu de résine noire la peau des mains, des avant-bras, de la poitrine, du cou puis du buste tout entier. Aucun savon ne parvenait à dissoudre cette viscosité et, durant la nuit, dans la grange où je dormais, je sentais la poussière s’agglutiner sur mon corps poisseux. Et surtout, surtout cette molle gomme imprégnait mon être d’une écoeurante odeur. J’eus des nausées à vomir toutes mes entrailles, des toux qui déchiraient mes poumons. Je devais en garder une incurable allergie au tabac ». Rachid attachait beaucoup d’importance à cette expérience. Dans les dernières pages du roman, il revient sur son travail dans les champs de tabac :
« Nous n’aurions jamais dû accepter de travailler dans ce maudit champ de tabac. Cette peine à respirer, c’est une peine à vivre. Je n’ai jamais pu courir un 1000 mètres ni pousser une belle beuglante. Je déteste nager, car cela ravive ma crainte d’étouffer. Je ne pouvais même pas prendre de repos, car je ne me sentais jamais à mon aise. Comment espérer jouir de quelques moments de détente avec ma difficulté à aspirer? » Rachid était tourmenté par la vie. Mais il arrivait à surmonter cette « peine à vivre » en s’imposant rigueur et discipline dans son travail, dans sa vie quotidienne. « Il faut toujours rationaliser, aimait-il répéter, sinon... ».Dans ses livres, ses héros souffrent toujours et la mort est toujours là, au bout, presque comme une amie, pour les délivrer.
Comment ne pas penser à cette page admirable, la dernière de l’un de ses tout premiers romans « Une paix à vivre » Le jeune Djabri, malade est guetté par la mort. Il songe à sa fin prochaine.« Il se vit étendu sur le sol, recouvert d’un drap blanc, tandis que l’assemblée psalmodiait uniformément des versets du Coran. Il vit la tombe creusée pour lui et imagina les mains attentives et respectueuses qui le placeraient dans sa dernière demeure où, après tant de drames et de luttes, il pourrait enfin goûter la sérénité du repos définitif. Ces pensées ne lui inspirèrent aucune tristesse, il fut même content à l’idée d’aller rejoindre, dans le sein de cette terre nourricière, ses parents et ses quatre soeurs... Il pensa à son enfance... Il comprit brusquement que la promesse de cette mort prochaine le libérerait de tous ses complexes, de toutes ses timidités, et qu’elle seule enfin était parvenue à l’exorciser de tous les démons de son enfance ». Rachid Mimouni n’avait pas peur de la mort. Lorsqu’au plus fort des massacres et des attentats, son entourage le pressait de partir à l’étranger, il répondait toujours « Je suis algérien jusqu’à la moelle des os ». Il voulait partager le sort des siens. Il s’est battu pendant des années avec pour seules armes sa plume et son courage. Il a refusé toute compromission avec le régime. Mais voilà que, lui qui a sans cesse appelé à la résistance, est contraint à l’exil alors que son pays plongeait dans l’horreur. L’épreuve a été dure à supporter.Lucide jusqu’au bout, Rachid Mimouni dresse un terrible constat, celui de l’échec d’un combat pour la liberté; « Triste histoire que celle des intellectuels algériens. Chaque fois qu’ils avaient rendez-vous, ils ont raté le coche de l’histoire ».Sa déception est à la mesure de son combat solitaire immense. L’indifférence devant le drame d’un peuple, les portes qui se ferment, accroissent son amertume : « La nuit tombe sur Alger la Blanche et une fureur meurtrière s’y déchaîne. Ceux qui ont été contraints de fuir cette aire de carnage buttent contre un mur d’impassibilité. Ils sont meurtris au plus profond de leur être » écrit-il en mai 1994.Mais qu’avons-nous donc fait pour mériter un pouvoir aussi médiocre, des dirigeants aussi bornés, une violence aussi cruelle, aussi aveugle? - Interminable Malédiction -Rachid Mimouni a-t-il préféré partir discrètement un soir d’hiver, comme s’il pressentait les noirs lendemains tant redoutés ?

A la mémoire de Rachid Mimouni
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Adaptation du roman de Rachid Mimouni, le fleuve détourné en 2005


Le Fleuve détourné de Rachid Mimouni vient de connaître une adaptation pour la scène. Nommée il y a peu à la direction de la Maison de la Culture de Béjaïa, la metteure en scène Hamida Aït el Hadj y a retrouvé le dramaturge et metteur en scène Omar Fetmouche qui dirige actuellement le Théâtre de la ville. Tous deux se sont attelés à adapter le plus célèbre roman de Mimouni.

Lors d’une conférence de presse donnée en compagnie de l’animateur TV Mourad Khan et du chanteur de rap Lotfi Double Kanon, qui ont été sollicités pour les besoins de la pièce, Omar Fetmouche s’est ouvert des nombreuses difficultés de l’adaptation.
La générale a eu lieu le 6 février au Théâtre national d’Alger. Le spectacle devrait en outre être visible à Boumerdès, lors du 12è anniversaire de la disparition de l’écrivain, ainsi qu’à Béjaïa, prélude à une tournée.